Les chiffres communiqués par les opérateurs de mobilité partagée, notamment de vélos et trottinettes en libre service, sont sans appel : les femmes représentent seulement un tiers des utilisateurs de véhicules partagés. Les chiffres varient en fonction des pays : les Pays-Bas, le Danemark et l’Allemagne sont des exceptions dans l’utilisation du vélo comme moyen de déplacement quotidien là où les Etats-Unis montrent des inégalités encore plus marquées. Comment expliquer cette différence d’utilisation entre les hommes et les femmes sur le marché de la micro-mobilité partagée ?
Pourquoi les femmes sont-elles moins représentées dans les usages de la micro-mobilité ?
Le risque perçu par les femmes au niveau de la sécurité sur ces modes de déplacement est plus élevé que chez les hommes. Les femmes évaluent les infrastructures comme insuffisantes pour assurer la sécurité des usagers, ce qui freinent leur utilisation par rapport aux hommes qui émettent moins de réserves. Le frein principal pour les femmes est donc sécuritaire : elles ne sont pas rassurées à l’idée de partager la route avec d’autres types de véhicules, notamment de se mélanger aux voitures dans des zones de trafic dense.
L’une des raisons expliquant ces différences serait également le soin et l’aide apportés aux autres par les femmes. En effet, beaucoup de femmes s’occupent des populations plus dépendantes comme les enfants et les personnes âgées (de leur foyer ou dans le cadre d’un emploi), comprenant souvent le déplacement de ces personnes, le déplacement des courses, ne permettant pas l’usage de trottinettes ou vélos en libre service qui ne correspond pas à leurs besoins. Selon différentes études, les femmes vont davantage associer l’utilisation du vélo et de la trottinette à des déplacement de loisir vs des déplacements du quotidien, alors que les hommes vont plus facilement lier la micro-mobilité à un usage quotidien.
L’écart entre les sexes s’expliquerait également par l’historique de la possession de certains véhicules. Historiquement, les deux-roues motorisés étaient en grande majorité possédés par des hommes. On retrouve cette tendance aujourd’hui, par exemple en Suisse, où seulement 20% des propriétaires de cyclomoteurs sont des femmes. Pour ce type de véhicule, on peut ajouter qu’ils sont conçus davantage pour les hommes, notamment en terme de rapport poids/force du véhicule.
De manière générale, on observe que les hommes assimilent plus rapidement les nouvelles technologies pour les intégrer à leurs habitudes. On remarque dans les chiffres que plus un opérateur a d’ancienneté sur le marché, plus les femmes utilisent ses services.
On peut aussi citer parmi les freins perçus par les femmes, le fait qu’on attend d’elle de soigner leur apparence en toutes circonstances, notamment dans la sphère professionnelle, ce qui implique d’arriver impeccablement coiffée et habillée, ce qui n’est pas toujours facile lors de l’utilisation des vélos et trottinettes partagées (casque, vitesse, intempéries…)
Quelles solutions pour tendre vers une égalité des sexes dans la mobilité partagée ?
On conçoit des solutions qui répondent à nos propres problèmes. L’une des réponses est une réponse à des obstacles systémiques reflétés dans toute la société puisque l’une des pistes pour gommer les inégalités de représentation dans les utilisateurs finaux serait de gommer les inégalités de représentation des professionnels qui proposent des solutions de micro-mobilité. Aujourd’hui, les hommes occupant ces emplois sont majoritaires. Il faudrait donc inverser cette tendance qui permettrait non plus d’adapter des solutions utilisées par des hommes aux femmes mais bien d’intégrer cette dynamique de genre dès la conception des solutions.
Répondre aux besoins des utilisatrices, ce serait proposer une vision par et pour les femmes en répondant à leurs préoccupations liées à la sécurité de l’utilisation de ces véhicules, en proposant des contenus pour elles sur des canaux de communication plébiscités par les femmes. Il faudrait également augmenter les efforts dans les infrastructures avec des pistes cyclables plus sécurisées (plus larges, plus adaptées, séparées des voitures), des pénalités pour les comportements dangereux, pour augmenter le sentiment de sécurité. Il faudrait également adapter les véhicules mais aussi tout le matériel en découlant à leur morphologie et à leurs besoins.
De nombreuses initiatives sont lancées pour tenter de réduire ces inégalités dans la mobilité en général, on peut notamment citer le réseau « Women in Mobility » ou la série de webinaires « Women of TIER » qui sensibilisent sur ces sujets.