Free-floating en France : chiffres, bilans et perspectives

Le marché du free-floating a un énorme potentiel mais on assiste à un chassé-croisé d'acteurs qui ne parviennent pas toujours à établir de modèle économique pérenne. Retour sur les faiblesses et les opportunités du free-floating.

free floating

Le free-floating est né en Chine, grâce à la société Ofo, spécialiste du vélo-partage, qui déploie un premier dispositif en 2014. Ces dernières années, le free-floating a fait son apparition en France et en Europe. Ce système de location en libre-service permet à un utilisateur de louer un véhicule à un point A et de le déposer à un point B, sans que ces points ne soient des bornes précises, qui étaient jusqu’alors le modèle le plus répandu. Les usagers peuvent donc prendre et déposer des véhicules dans la ville à leur guise. Les véhicules sont géolocalisés grâce à des solutions de connectivité et des applications mobiles permettent très facilement de repérer un véhicule, de l’utiliser et de le garer dans une zone prédéfinie.

Liberté totale, fun, rapidité, praticité, flexibilité… Le modèle du free-floating a beaucoup d’atouts pour séduire les citadins. Moins coûteux que les dispositifs qui demandent des aménagements de la voie publique et réel complément des dispositifs de désengorgement des artères urbaines, les grandes villes européennes se sont empressées de déployer des flottes de voitures, scooters, trottinettes et vélos sur la base de ce modèle souvent écologique, avec des véhicules électriques. De nouveaux acteurs se sont positionnés sur ce créneau mais se sont rapidement confrontés aux limites de ces dispositifs. Problèmes de vols, de pérennité des véhicules, incivilités des usagers, manque de réglementation, de sécurité, gestion de l’espace public… Nous avons donc assisté à de nombreux chassés-croisés d’acteurs entrant et sortant sur le marché du free-floating, ne parvenant pas à établir un modèle économique solide sur le long terme. Pourtant, le potentiel est énorme et a déjà fait ses preuves par exemple à Shenzen où les vélos en free-floating ont remplacé 10% des trajets en voiture individuelle.

Nous nous sommes donc intéressés aux chiffres réels du free-floating pour séparer les idées reçues des performances réelles et analyser également les dernières tendances en la matière.

Les chiffres positifs du free-floating

Le free-floating s’instaure dans les villes en complément des offres de transport publics et de véhicules en libre-service. Le but n’est évidemment pas de cannibaliser l’offre, ce qui est préservé pour deux raisons majeures : les distances plus courtes réalisées par les utilisateurs et le prix de ces services, plus élevé que pour les autres alternatives en libre-service. Il faut noter que selon l’étude de l’ADEME, seule une minorité des utilisateurs (20 %) circulaient à vélos quasi-quotidiennement avant d’utiliser des VFF et 40 % n’utilisaient jamais de vélo auparavant. Ce chiffre est largement supérieur en ce qui concerne les trottinettes. Une conquête notable et qui permet de continuer les mutations des villes vers une mobilité douce et multi-modale.

Un démarrage plein de panache, c’est ce qu’on peut noter concernant le free-floating. Après seulement un an de déploiement en France, les vélos en free-floating représentaient 20% de l’offre de vélos en libre-service du pays. Les trottinettes en free-floating ont eu un succès immédiat auprès des utilisateurs avec un démarrage comparable au dispositif Vélib à son lancement.

Dans les motifs d’utilisation des véhicules en free-floating, les utilisateurs citent à 69% le caractère amusant, à 68% le gain de temps et à 22% la liberté de se déplacer librement d’un point A à un point B sans se soucier des bornes.

Les indicateurs négatifs du free-floating

free floating jump

L’insécurité est l’un des freins majeurs, cité par 68% des utilisateurs selon l’étude de l’ADEME, un chiffre à prendre avec recul car c’est un sentiment partagé par tous les usagers de micro-mobilité en milieu urbain. Ce sentiment est pourtant renforcé en ce qui concerne les utilisateurs de trottinette, véhicule sur lequel les problèmes sont décuplés.

30% des utilisateurs de trottinettes en free-floating avouent rouler sur le trottoir et 20% d’entre eux reconnaissent garer leur véhicule de façon gênante dans l’espace public. Même problème pour les scooters, une étude de CityScoot montre que 18 % des utilisateurs ont reçu au moins une contravention pour stationnement gênant d’un scooter en free-floating sur un an.

Pour les voitures et les deux-roues motorisés, la règlementation est évidemment plus contraignante puisque les véhicules doivent être stationnés dans les règles, ce qui freine le déploiement de ces solutions à plus grande ampleur même si les géants de l’automobile n’ont pas dit leur dernier mot en la matière.

La santé financière des principaux acteurs

Cityscoot, Jump, Lime, Wind, Tier, Dott ou Bird… toutes ces entreprises ont du potentiel mais n’ont pas encore prouvé leur capacité à générer du profit sur le long-terme. La première étape serait d’assurer l’amortissement des déploiements, ce qui était l’enjeu de cette année 2020 pour beaucoup d’entre eux.

Dott enregistre une baisse de 85 % de son activité depuis le début du confinement. Bird et Lime, les deux leaders américains de la trottinette en libre-service rencontrent d’énormes difficultés avec des vagues de licenciements (30% de l’effectif pour Bird et 14% pour Lime, au lieu des embauches annoncées quelques mois auparavant) et dévalorisations, et dont le bilan ne va pas s’améliorer à la suite du confinement national. Dans ce contexte, Lime et Uber resserrent leurs liens autour d’une levée de fonds de 170 millions de dollars dans laquelle Lime récupère les actifs de Jump, service de micromobilité du géant Uber.

Evidemment, tous les acteurs ne sont pas égaux face à la crise. Dans le domaine de l’automobile, ce sont de grands constructeurs qui ont des capitaux solides et qui feront donc face à la crise. Il y a aussi les entreprises qui vont compenser grâce à leurs autres activités, comme Uber.

Les alternatives pour pérenniser le free-floating

Pony Bike : la flotte décentralisée appartenant à ses utilisateurs

Pony propose un double modèle alternatif aux modèles de free-floating classiques. En effet, l’entreprise propose aux particuliers de devenir les propriétaires des vélos et trottinettes électriques en libre service. Même système pour l’utilisateur, qui va utiliser une application pour localiser, débloquer, utiliser et payer son trajet. Un dispositif qui a déjà conquis plusieurs villes en Angleterre et en France, en rendant tout le monde acteur de la transition écologique et économique autour de la mobilité urbaine.

Pony bike

Pony, créateur de communauté autour des véhicules

Lara Trinh – Pony

La micromobilité partagée est une opportunité majeure de changer durablement les habitudes en termes de transports. Ce n’est pas un loisir ou une fantaisie, c’est un élément clé du bouquet de services dont ont besoin ceux qui font l’effort de se passer de leur voiture.
Pony est le seul acteur Français à proposer des vélos et trottinettes en libre-service sans station d’attache et a créé un modèle durable et responsable pour la mobilité urbaine de demain. En effet, dans les villes où pony s’installe, les habitants ont la possibilité d’acheter les vélos et trottinettes de la flotte pony. À chaque trajet effectué, le propriétaire récupère la moitié de la recette. L’autre moitié est utilisée par pony pour la recharge et l’entretien. C’est un modèle qui donne aux citadins le contrôle de la mobilité urbaine.
Le système pony change le rapport des habitants avec les véhicules disposés en libre-service dans leur ville : ce modèle économique créé une véritable communauté autour des véhicules, qui peuvent appartenir à un voisin, un ami ou un parent. Elles deviennent ainsi un bien dont on prend soin, et non une marchandise jetable : dans les villes où pony est implantée, son modèle a entraîné une réduction drastique des actes de vandalisme sur les véhicules.

Semi free-floating : la solution hybride

Une fois la crise du coronavirus passée, il faudra tout de même assurer un modèle économique solide au free-floating, qui pourrait trouver réponse dans le semi free-floating. Entre le modèle classique de mobilité partagée et le free-floating, le semi free-floating consiste à installer des bornes de rechargement compactes, peu coûteuses et faciles à déployer, sur une partie de la zone urbaine concernée. C’est un modèle que Zoov a choisi pour la ville de Bordeaux, sur une flotte de 500 vélos. Pour ce faire, les véhicules sont équipés de deux types de batteries différents, des batteries communautaires qui seront remplacées par l’entreprise et les batteries rechargeables en USB.

Une nouvelle alternative pérenne et rentable ? Affaire à suivre…